Des points de différenciation
Il me semble intéressant de prendre du recul sur les postures respectives du formateur et du coach et de voir en quoi elles sont différentes, mais aussi en quoi la posture de coach peut, de façon bénéfique, irriguer celle de formateur, moyennant quelques précautions. Le formateur a en effet tout à gagner à faire bouger ses pratiques du fait de l’évolution de l’écosystème du métier, des attentes des apprenants et des compétences attendues en entreprise. Voici pour commencer un partage de quelques points de différenciation (non exhaustifs !) entre les deux contextes/postures.
En formation, le stagiaire participe rarement à l’élaboration du dispositif : l’objectif et les compétences à atteindre sont énoncés par l’organisme dans son catalogue et par le formateur au début d’une session, dans certains cas dans un cahier des charges spécifié par l’entreprise (formations intra), ou encore dans des blocs de compétence en vue d’une certification. Une formation digne de ce nom repose sur une ingénierie (écriture d’un scénario pédagogique en fonction d’objectifs explicites, animation selon un déroulé préétabli). De ce fait, les modalités de la prescription, de la contractualisation diffèrent entre ces deux cadres de travail. En coaching, c’est le client qui formule lui-même sa demande : même si la prescription initiale a été co-construite en présence du coach, du RH et/ou du manager du client, c’est bien de la demande de ce dernier que l’on part, au démarrage de coaching et de chaque séance. Le coach, d’abord à l’écoute de son client, ne peut ni ne doit prédéterminer ce qui se passera au cours d’une séance, au risque d’induire chez le client des besoins qu’il n’allait pas formuler (même s’il convient, avant chacune, de relire ses hypothèses de diagnostic, sa stratégie, ses notes des séances précédentes pour écouter son client dans les meilleures conditions).
Le formateur, sur la base d’objectifs d’apprentissage prédéterminés, est là pour développer les compétences des stagiaires via (de moins en moins) la transmission et (de plus en plus), la co-construction, avec eux, d’un contenu (posture de facilitateur). Le coach, selon la définition de François Délivré, ‘aide une personne à trouver ses propres solutions’. Il ne dispense pas un contenu (s’il le fait, c’est qu’il s’est mis en posture de conseil…). Son questionnement permet d’éclairer la situation du client, ses perceptions, de lui faire prendre conscience des forces qu’il peut mobiliser, mais aussi de ses croyances limitantes. Ce sont sa posture empathique et bienveillante, son écoute, son accueil inconditionnel du client, plus encore que son expertise technique, qui créent des conditions favorables à l’atteinte des objectifs. Ce postulat est très inspirant pour le formateur : sans une bonne installation de la relation entre le formateur et ses stagiaires, on ne peut guère favoriser l’apprenance chère à Philipe Carré.
Le terme d’évaluation est absent du coaching. En amont, ce sont des hypothèses de diagnostic et une stratégie qu’établit (avec prudence et humilité !) le coach. En formation, le parcours est jalonné d’évaluations (diagnostique, formatives, sommative), critériées selon des compétences à acquérir. Si une formation peut être diplômante, le coaching ne vise pas à l’obtention d’un diplôme : le client n’est pas là pour ça ! Même si nombreux sont les cas où un client, à l’issue d’un coaching qui l’a a aidé à gagner en confiance, à se développer, peut monter en compétence, ‘oser’ passer un diplôme… ou prendre une autre direction professionnelle.
S’il est, dans les deux postures, crucial d’inscrire son activité dans des processus, des fondamentaux, adaptés au(x) client(s), il ne s’agit pas des mêmes. Le coaching repose notamment sur une analyse de la demande, un contrat, un diagnostic, un travail sur le cadre de référence du client, le changement, une attention portée aux processus/contenu/sens, des opérations spécifiques, etc (cf. Le métier de coach, ouvrage fondamental de François Délivré pour appréhender le métier). En formation, on formule des compétences à atteindre reliées à l’objectif, on construit un déroulé pédagogique, on s’appuie sur des techniques d’animation et de mise en activité des stagiaires, des apports de contenus théoriques et techniques, des phases de réactivation, de validation du transfert, d’évaluation…
Le formateur peut animer en présentiel et à distance. Pour mettre en musique son scénario pédagogique, il peut s’appuyer sur des outils digitaux, accompagner des stagiaires lors de classes virtuelles…). Le coach n’est pas un ‘animateur’, et s’il travaille parfois à distance, le cœur du métier repose avant tout sur sa qualité d’être, et une pleine présence au client qui me semble plus viable dans un vrai face-à-face (mais ceci reste peut-être à interroger et je serais intéressée par des retours de coachs en exercice sur ce point).
On peut observer et accompagner un stagiaire en situation de travail, notamment dans le cadre de la FEST. En coaching, ce qui importe n’est pas de voir le client à l’œuvre en situation de travail et dans le système (ses interactions, la mise en oeuvre de ses missions, sa progression), mais le récit qu’il en fait, le cadre de référence à partir duquel il l’élabore, le langage (verbal et non-verbal) qu’il emploie pour en parler (toujours signifiant), sa perception, ses représentations, et l’évolution de ceux-ci au fil du coaching.
Parler à partir de son expérience est fortement recommandé en formation lorsqu’on dispose d’une expertise technique sur un sujet (pour ma part, je m’appuie régulièrement sur le storytelling pour illustrer les apports théoriques avec des faits issus de mon expérience professionnelle, ce qui permet parfois de 1) dédramatiser les situations d’apprentissage complexes, notamment en manifestant que j’ai moi aussi souvent procédé par essai-erreur 2) délivrer des conseils utiles, s’ils sont transposables à leur activité. En coaching, si la référence du coach à sa propre expérience n’est pas prohibée, elle comporte le risque qu’il se décentre de son client. Par ailleurs, il doit absolument éviter d’adopter une posture de conseil puisque la responsabilisation du client est centrale : celui-ci est invité à chercher lui-même ses solutions (même s’il convient de se méfier de tout dogme en la matière).
Le coaching, en ce qu’il permet souvent de renoncer à une situation existante, via un travail en profondeur, peut plus facilement favoriser les conditions d’une transition, en particulier quand le client traverse une période de perte de sens, qui a d’ailleurs pu être à l’origine du coaching
La formation vise plus rarement que le coaching un changement de type 2 (niveau de la représentation de la réalité, des croyances, des valeurs du stagiaire) – même s’il peut survenir, en particulier lorsque des conditions favorables préexistaient chez le stagiaire avant la formation -, alors que le coaching peut souvent y contribuer. Le coach doit cependant absolument veiller à ne pas en faire un pré-requis, en particulier pour satisfaire un besoin narcissique !).
Enfin, le coach doit disposer d’une déontologie solide, dont la nécessité de la supervision, et, idéalement, d’un travail thérapeutique. Par analogie, le formateur a cependant tout à gagner à 1) avoir appris à bien se connaître afin d’éviter toute posture nuisible aux stagiaires et à lui-même 2) participer à des groupes d’échanges de pratiques professionnelles avec des pairs.