Trouver sa place

Dans mes accompagnements revient souvent chez les coachés la question de la juste place.
« Je ne me sens pas à ma place dans ce CODIR. »
« Mon poste me plaisait mais depuis la réorganisation, je ne m’y retrouve plus. »
« Depuis que j’ai perdu mon poste, je n’ai plus de repères. »
« Je rêvais de ce poste mais untel m’a ‘volé la place’. »
« Mes collaborateurs me reprochent de ne pas savoir me mettre à leur place. »

Quelle est notre ‘vraie’ place dans le monde professionnel ?

Celle qui garantira, selon les personnes, surtout de l’autonomie ? de la sécurité ? une posture de leadership ? un salaire confortable, au risque d’un désalignement ?
Est-ce celle à laquelle on aspire pour se hisser au-dessus du rang social de notre famille ? Celle à laquelle des injonctions éducatives nous ont assignée ? Celle que l’on croit avoir choisie en conscience, mais dont les sacrifices auxquels on consent pour la garder révèle la fragilité ? Celle où l’on rencontre sa créativité ? Celle où l’on se sent soi-même, où l’on ne porte pas de ‘masque’ ?

De nombreuses situations fragilisent la place de l’individu au travail

Licenciement, absence de progression, ‘placardisation’, mise à l’écart, burn-out, difficulté à prendre la parole en réunion, rivalité avec un associé, hostilité d’une nouvelle équipe lors de sa prise en main, passage d’un bureau individuel à l’open space, évolution de la culture d’entreprise suite à une fusion… autant de changements effectifs ou symboliques qui lui font reconsidérer sa légitimité.

Claire Marin, philosophe, émet dans un livre passionnant (Etre à sa place, Ed. de l’Observatoire, 2022) parmi plusieurs hypothèses, que ‘le lieu où nous devons être, selon une nécessité intérieure propre à chacun, se manifeste par le sentiment de puissance qu’il dégage’.

Lorsqu’un coaché ne sait plus quelle est sa vraie place, ou comment se sentir ‘inclus’, je travaille avec lui sur son histoire professionnelle et l’aide à se détacher progressivement des notions de déception ou d’échec, et d’une colère parfois très enracinée. Nous quittons doucement les rivages du déterminisme et explorons plutôt la nature des espaces où il a pu déployer sa créativité, se sentir digne, avec la visée de renforcer sa confiance en lui et de faire des choix en responsabilité.

Quelques questions peuvent soutenir la réflexion

  • Qu’y faisait-il et quels talents naturels mobilisait-il ?
  • En quoi s’y sentait-il en sécurité ? libre ? le plus souvent possible délesté de ses rigidités ?
  • Quels éléments de l’environnement (matériels, relationnels, atmosphère de travail) rendaient possible sa puissance singulière ?
  • Qu’a-t-il fait d’audacieux dans ce poste, ou cette activité indépendante ?
  • Comment l’entourage décrivait-il alors ses habiletés ?
  • Quelles étaient la nature et la fréquence de l’interaction avec les autres au travail ?
  • Quelles initiatives s’autorisait-il ?
  • En quoi l’écart entre le travail prescrit et le travail réel était-il reconnu et favorisait l’épanouissement ?
  • Quelle était la posture de son hiérarchique direct et en quoi l’inspirait-il/elle le cas échéant ?
  • Aujourd’hui, dans quelles circonstances non professionnelles (par exemple artistiques…) retrouve-t-il ces émotions positives ?
  • Qu’est-ce que cet état des lieux révèle de son besoin ?

Et nous voyons ensemble comment se reconnecter à quelques-unes de ces conditions essentielles, dans son activité actuelle, ou dans un projet de transformation professionnelle, où le coaché pourra jouer la partition qui l’épanouit. Parfois, cela lui demande un chemin d’acceptation de sa part de responsabilité dans l’inconfort qu’il projetait d’abord sur des éléments exogènes (manager, nature des tâches…

La réponse est en soi

Il y a des moments lumineux, comme ceux où le coaché, dans de nombreux cas, découvre que c’est en lui-même, dans l’acceptation de ses vulnérabilités, dans un lâcher prise, que réside la réponse, plus que dans un changement de poste, de statut, d’entreprise, qui ne résoudrait pas nécessairement le problème. C’est lorsqu’il commence à s’accorder des permissions qu’il contacte alors sa puissance (par exemple : « Je vais m’autoriser à ne pas avoir réponse à tout, tout le temps. », « Je vais m’autoriser à ralentir sans culpabiliser. »). Ou lorsqu’il renonce à la croyance qu’il n’existe qu’une place, figée (souvent fantasmée et objet d’une quête vaine), qui lui correspondrait, et cherche plutôt en lui des ressources pour se sentir le plus souvent possible aligné.

Parfois, le coaché n’a encore jamais eu le sentiment de se trouver, dans son métier, à sa juste place, et il cherche à en tracer les contours car le désalignement est inconfortable. Relater une expérience personnelle marquante (un grand voyage, une contribution dans une association, un rôle d’aidant…) qui a été porteuse de sens pour lui, peut être la première marche pour prendre conscience de sa mission. C’est dans l’espace sécurisant, confidentiel, encourageant, du coaching qu’avec le temps, le coaché pourra alors faire s’incarner ses aspirations dans des actes concrets.