Une rentrée qui ait du sens !

Pour beaucoup d’entre nous, le retour au travail est d’actualité. Comment l’aborder et lui donner du sens en cette année si particulière ? La crise que nous avons traversé a exacerbé le besoin de comprendre le pour quoi de notre mission pour maintenir notre motivation, que l’on soit salarié ou indépendant. J’ai ressenti toute l’année, dans les discussions avec les coachés et stagiaires, un puissant besoin de se sentir, au travail, à la fois utiles, et objets de sollicitude.

Le sens, notion abstraite et polysémique (signification, direction, vision, sensation…), recouvre au travail des réalités variées : c’est un pourvoyeur de revenus, d’identité, de sentiment d’appartenance, d’utilité…

Les causes de la perte de sens au travail

Elles sont multiples :

  • passer un temps conséquent sur des tâches abstraites ou sans valeur ajoutée identifiée (les fameux bullshit jobs décrits par l’anthropologue David Graeber). Ce sentiment a amené des cadres avec une situation ‘privilégiée’ à quitter leur job pour exercer un métier manuel ;
  • l’impression de faire un ‘travail empêché’ (voir à ce sujet les passionnants travaux d’Yves Clot), qui pose une question éthique intime au salarié : l’impossibilité d’effectuer un ‘travail bien fait’, et de débattre autour des critères de la qualité du travail, sont des facteurs de risques psycho-sociaux ;
  • travailler sur une dimension parcellaire d’un projet, sans en voir le résultat concret ;
  • des périmètres flous ou sans cesse revisités ;
  • la combinaison d’une charge de travail trop conséquente et de process absurdes ;
  • une injonction forte à l’autonomie… si elle n’est pas assortie des moyens ad hoc : dans ce cas, elle est vécue comme une pression ;
  • le manque de communication sur la vision de l’entreprise, ou un écart entre la vision affichée et la réalité ;
  • un sens du collectif dégradé : le culte de la performance individuelle et la mise en concurrence peuvent « conduire les salariés à travailler plus mal qu’ils savent faire » (Christophe Dejours)
  • la déshumanisation parfois accentuée par le télétravail : une réunion Zoom ‘formatée’ ne remplace pas le présentiel, où l’informel a davantage sa place et peut générer à la fois plus de créativité, et plus d’attention aux signaux faibles ;
  • le manque de signes de reconnaissance ;
  • des processus d’évaluation discutables ou obsolètes.

Les manifestations de la perte de sens au travail

C’est un état de vide, d’ennui, des ruminations, des doutes, des peurs, un manque d’énergie, de concentration, de capacité à décider, de l’irritabilité, un sentiment d’impuissance, parfois du désengagement, et dans les cas les plus critiques, du surmenage.

Alors… comment contribuer à remettre le sens au centre ?

Pour aller à la rencontre du sens, chacun doit aller en profondeur dans la connaissance de soi, identifier ses besoins profonds en se remémorant des situations de travail où ils ont été comblés… mais aussi écouter la petite voix qui lui glisse de temps en temps à l’oreille que quelque chose ‘cloche’ dans son quotidien. Cela demande du temps et du courage car les conclusions peuvent être perturbantes si elles révèlent un désalignement, engendrant parfois un changement de cap professionnel, mais c’est précieux à terme. Chacun peut s’interroger par exemple sur :

  • ce qui est central et non négociable pour se sentir bien ;
  • ses valeurs fondamentales, variables d’un individu à l’autre (honnêteté, transmission, sagesse, éthique, créativité, simplicité, efficacité, sécurité…) ;
  • les types de relations et d’activités professionnelles qui font vibrer, les contextes qui procurent un vrai sentiment d’efficacité (pour certains ce sera les travaux de réflexion au calme, pour d’autres le bouillonnement créatif partagé, pour d’autres encore un travail où le soin de l’autre a sa place…).

    La raison d’être du travail ayant été questionnée, les managers ont une belle opportunité de voir comment faire évoluer l’organisation : le sens n’est pas acquis et doit être questionné en continu ! Ils ont un rôle essentiel à jouer dans son développement en entreprise, même s’ils n’ont pas de prise sur les facteurs relevant de paramètres très individuels.

    Comment peuvent-ils contribuer ?

    En veillant, avec le soutien indispensable de la direction et des RH, aux dimensions suivantes :

    • définir avec les collaborateurs le sens des missions (il ne se décrète pas, de même que la motivation ne peut relever d’une injonction !), analyser avec eux d’éventuels écarts perçus ;
    • organiser l’activité de façon que chacun exerce une mission la plus en phase possible avec ses talents, conférant un sentiment de contribution, d’utilité ;
    • permettre que chacun voie la cohérence de sa mission, avec un équilibre entre sa finalité et les moyens : et s’il y a des points irritants, les aborder et les résoudre en équipe ;
    • envoyer des signes de reconnaissance, et traiter les équipes avec humanité, être à l’écoute des signaux faibles ;
    • favoriser un fonctionnement où chacun puisse se sentir inclus, reconnu par le collectif, renforcer les liens entre générations pour diffuser une culture apprenante dans les deux sens ;
    • co-construire des objectifs clairs et stables dans le temps (et s’ils évoluent fréquemment, expliquer pourquoi, en lien avec la stratégie) ;
    • favoriser l’autonomie, sans négliger le soutien ;
    • fournit à chacun la possibilité de se développer ;
    • permettre des interactions saines avec l’environnement ;
    • favoriser la coopération et des prises de décision fluides à tous les échelons (un fonctionnement en silo qui favorise la compétition ne contribue pas à la créativité).
      • Et vous, quel sens voulez-vous donner à votre travail en cette rentrée ?
      • Et si vous êtes manager, que souhaitez-vous intégrer dans votre approche du collectif pour contribuer à renforcer le sens ?