Coacher à distance ?

Peut-on coacher en visio et maintenir une qualité de relation suffisante ? Il y a quelques mois, la question me laissait dubitative… La crise sanitaire et l’obligation de travailler autrement ont permis d’y voir plus clair. Moyennant des précautions indispensables, il est tout à fait possible de coacher avec des solutions distancielles, pour peu que le coaché adhère à l’idée.

Se lancer avec l’esprit serein !

D’abord, prendre le temps d’interroger ses propres craintes, légitimes car la plupart du temps fondées sur le souci de ne pas dégrader la relation : qu’est-ce que je redoute, en tant que coach, dans cette modalité d’accompagnement nouvelle pour moi ? Suis-je limité par une croyance qui n’a peut-être pas lieu d’être ? Avec quel autre coach ayant déjà expérimenté le distanciel puis-je échanger pour me libérer de cette éventuelle appréhension ?

Être réellement présent à l’autre

Avant la séance, prévoir un temps de centration personnel, avec le portable sur silencieux : fermer les yeux, respirer, se préparer à accueillir le coaché. Le confinement imposant dans la plupart des cas de coacher de chez soi, le faire dans une pièce au calme, avec un arrière-plan neutre. Ne pas sous-estimer la fatigue induite par l’échange par écran interposé, ce qui implique, bien sûr, d’éviter absolument d’enchaîner les séances, même si l’absence de déplacement abolit certaines contraintes temporelles. Le coaching nécessite de se ressourcer régulièrement. Pour ma part, en cette période de confinement, si j’ai deux coachings le même jour, je fais ma (précieuse) promenade quotidienne entre deux séances, que j’espace suffisamment.

Tout au long de la séance, s’appuyer sur l’intelligence de la relation en coaching, approche prônée par François Souweine qui consiste notamment en une posture d’écoute active de l’autre, de soi et de la relation, dans l’ici et maintenant, en maintenant un cadre à la fois bienveillant et rigoureux.

S’assurer, grâce à des contrats relationnels, que l’on est dans des conditions d’échange optimales : on peut par exemple indiquer au coaché qu’il pourra solliciter une pause au milieu de la séance s’il en ressent le besoin. L’inviter aussi à ne pas se laisser interrompre par un membre de sa famille s’il est chez lui, un mail entrant, ou les notifications de son téléphone. Et bien sûr, respecter soi-même cette règle ! Échanger aussi sur la façon de procéder en cas de bug informatique (décider par exemple que c’est le coach qui appellera le coaché afin d’achever la séance par téléphone, ou bien que l’on interrompra et reprogrammera la séance si le coaché préfère cette option).

Accueillir les émotions

En début de séance, du fait du contexte sanitaire et économique, anxiogène pour un client dont la demande de coaching s’appuierait sur une période de fragilisation professionnelle, prévoir systématiquement un temps de questionnement sur sa ‘météo intérieure’. Celui-ci peut être plus long que lors d’une rencontre en face à face où l’on dispose de davantage d’éléments non-verbaux et para-verbaux. Cela permettra de déceler comment il vit la période, à titre personnel et professionnel.

Pour cela, maintenir un contact visuel profond, et observer les signaux d’un désarroi que ses propos ne révèlent pas toujours (certains peuvent être réticents à admettre un moment de fragilité, de doute). Lors du contrat de séance, écouter attentivement la demande de coaching : elle peut ponctuellement prendre un autre chemin si le coaché juge sa demande initiale dérisoire sur le moment… même s’il faudra y revenir. L’un de mes coachés a souhaité lors d’une séance me partager les émotions suscitées par la situation, surpris de se trouver si désemparé alors qu’il avait bien vécu le 1er confinement. Il a alors pris conscience que sa confusion et son sentiment étrange d’inutilité disaient beaucoup de son besoin d’une grande proximité avec sa nouvelle équipe, ce qui a permis de travailler ensuite sur son identité de jeune manager, axe prévu au contrat.

Reformuler !

Le fonctionnement en visio rend cruciale une bonne compréhension mutuelle, et d’accroître chez le coaché la perception qu’il est vraiment écouté. A fortiori si la connexion informatique connaît des ratés. Par ailleurs, certains coachés très investis dans leur entreprise, leur équipe, vivent mal un subit déficit d’information, un manque de soutien, ou de manager ‘de loin’ sans y avoir été préparés. Certains aimeraient pouvoir échanger davantage avec leur N+1 ou leurs pairs sur la posture à adopter mais ne le font pas, par pudeur ou manque de temps. Une écoute profonde et empathique (que la reformulation conforte) contribue à apaiser ce sentiment d’isolement ou de stress induit par le contexte.

Métacommuniquer

A distance, on peut ressentir un inconfort lié à l’outil informatique, une distraction ou une fatigue passagère: ne pas hésiter à le partager.
De même, métacommuniquer si la séance tourne au simple temps d’échange : les objectifs du contrat restent la boussole des deux parties, et on peut subtilement le rappeler si l’on ressent une sensation de surplace. On peut confronter le coaché, toujours avec bienveillance, s’il esquive de séance en séance les actions qu’il avait délimitées, arguant du contexte particulier du confinement. Cependant, si la résistance est forte, il convient d’en interroger la cause, d’abord en soi (par exemple : suis-je suffisamment à l’écoute du coaché dans ce contexte particulier, et non obnubilé par les objectifs du contrat ?), puis auprès du coaché.

Penser aussi à métacommuniquer lors des moments vibrants de la séance ! Avec une de mes coachées, j’ai pu le faire lors du partage d’une carte heuristique qu’elle me commentait à l’écran de façon très personnelle. Nous avons passé du temps sur cette carte, qui mettait en lumière de façon puissante ses valeurs profondes, auxquelles elle avait du mal à se reconnecter dans un poste qui ne lui convenait plus. En lui partageant que j’étais touchée par sa présentation, d’autant plus délicate à faire à distance, j’ai contribué à ce qu’elle s’autorise à poser ensuite des actes audacieux dans sa recherche d’un poste où s’épanouir. Ceci m’a rassurée sur la possibilité de vivre, même par écran interposé, de vrais moments d’ouverture.

Et pour clore l’échange ?

Il est parfois plus délicat en distanciel qu’en face à face d’annoncer au coaché que l’on parvient à l’issue de la séance : certains ont un besoin d’échange encore plus manifeste qu’en présentiel. En outre, les petits rituels de fin n’existent plus (régler les consommations si l’on était dans un lieu public, quitter ensemble le lieu de RV, se serrer la main – même si la dernière poignée de main est un vieux souvenir !).

Aussi, à distance, je clos l’échange de façon encore plus progressive en annonçant suffisamment tôt que l’on s’achemine vers sa conclusion, et demande au coaché comment il l’a vécue et ce qu’il en retient. Ce sas est utile : il se retrouve souvent, ensuite, seul devant son ordinateur, et tenu de se remettre immédiatement aux affaires courantes !


Pour peu que l’on s’assure que la séance est confortable tout du long pour les deux parties, coacher à distance ne dégrade pas la relation, et réserve même parfois de belles surprises, la distance pouvant atténuer la réserve de certains coachés.